À propos du timbre Ronsard de 1924

Pierre de Ronsard fut le premier personnage célèbre à bénéficier d’un timbre-poste commémoratif à son effigie.

Dans le cadre de la célébration du quatrième centenaire de la naissance du poète Pierre de Ronsard, un certain nombre de Comité Ronsard” se créèrent un peu partout en France. Le Comité Ronsard de Paris était dirigé par Pierre de Nolhac de l’Académie Française, assisté de Henri de Régnier et de la Comtesse de Noailles. Celui de Vendôme était présidé par M. Robert Barillet, maire de Vendôme et celui de Couture-sur- Loir par le Capitaine C. Manceau, maire de Couture-sur-Loir, avec comme vice-président M. L.A. Hallopeau demeurant au Manoir de La Possonnière.

Le 28 février 1924, Fernand Gregh publie, dans le journal “Le Gaulois”, un article,  au nom de ce  Comité, demandant un timbre à l’effigie de Ronsard.

Le lendemain, Paul Souday publie un article dans le même sens dans le journal “Le Temps”.

Une délégation du Comité Ronsard, conduite par M. Pierre de Nolhac, fut reçue par M. le  Sous-Secrétaire d’État aux P.T.T. qui se montra tout disposé à accorder le juste hommage qui lui était demandé pour le grand poète de La Pléiade.

C’est ainsi que fut présentée la proposition de loi suivante :

EXPOSÉ DES MOTIFS

Messieurs,

À l’occasion du quatrième centenaire de la naissance de Ronsard, un comité d’écrivains et de poètes a demandé l’émission d’un timbre-poste spécial, destiné à rendre hommage au grand poète et à rappeler à l’étranger que Ronsard est une des plus pures gloires de la France.

Vous savez que les timbres-poste à l’effigie de Pasteur circulent à travers le monde depuis bientôt un an ; après la glorification du grand savant, il a paru équitable de faire le même honneur au grand poète de la Renaissance.

La figurine nouvelle serait à l’effigie de Ronsard et ne comprendrait que la seule valeur de 0fr.75. Elee serait mise en vente après les timbres spéciaux de Jeux Olympiques ; sa durée de validité serait limitée au 31 décembre 1924 inclusivement.

L’émission de timbre-poste de cette nature ne peut se faire qu’avec l’autorisation du Parlement.

L’article 1er de la loi du 20 mai 1851 réserve au Ministre des Finances (représenté  aujourd’hui par le Sous-Secrétaire d’État aux Postes) le droit de fabriquer et de mettre en vente les timbres destinés aux affranchissements postaux, mais avec cette réserve que cette faculté ne peut valoir que pour les timbres pouvant être indéfiniment utilisés.

PROJET DE LOI

Le Président de la République Française

DÉCRÈTE

Le projet de loi dont la teneur suit sera présenté à la Chambre des Députés par le Ministre du Commerce et de l’Industrie et par le Ministre des Finances qui sont chargés d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

ARTICLE PREMIER – À l’occasion du quatrième centenaire de la naissance de Ronsard, est autorisée l’émission d’un timbre-poste spécial de 0 fr.75, dont la durée de validité est limitée au 31 décembre 1924.

ART. 2 – Un arrêté ministériel déterminera les conditions dans lesquelles sera effectuée cette émission du timbre-poste spécial visé à l’article premier.

            Fait à Paris, le 1er juillet 1924

            Signé : Gaston DOUMERGUE

            Par le Président de la République,

Le Ministre du Commerce et de l’Industrie,

            Signé : RAYNALDY

Le Ministre des Finances,

            Signé : CLÉMENTEL

La proposition de loi a été déposée à l’Assemblée le 3 juillet 1924 et adoptée le 11 juillet ; transmise au Sénat le 11 juillet, elle fut adoptée le lendemain.

 La loi est promulguée par le Président Gaston DOUMERGUE le 18 août 1924.

La circulaire n°2074 du 27 août 1924 (BM n°23 de 1924 pages 707 et 708) annonce l’émission du timbre : « La loi du 18 août 1924, dont le texte est inséré au présent bulletin, a

autorisé l’émission d’un timbre-poste spécial de 0fr.75 à l’occasion du quatrième centenaire de la naissance de Ronsard. La durée de validité de cette figurine est limitée 

au 31 décembre Sa mise en vente est fixée à la période du 6 octobre au 30 novembre 1924 inclus par un arrêté du 27 août 1924 qui figure au même bulletin… »

 La réalisation de timbre :

Le comité chargea M. Pierre Dautel, sculpteur et graveur en médailles, de présenter un dessin du timbre à émettre. Pour la gravure du poinçon, la direction des Beaux-Arts avait dressé une liste d’artistes, sur laquelle l’administration choisit M. Delzers, parce qu’il avait déjà gravé avec succès plusieurs timbres-poste.

Le timbre, qui est à l’effigie de Ronsard, a donc été imprimé obligatoirement en bleu, puisque sa valeur faciale est celle du port d’une lettre pour l’étranger. Le tirage a été de 8 millions environ de figurines ; il a été effectué sur des presses typographiques en blanc ordinaire.

Le dessin du timbre en l’honneur de Ronsard a donc été commandé par le comité Ronsard à M. P. Dautel, sculpteur, graveur en médailles, qui fut, en 1902, pensionnaire de l’académie de France, à Rome, et qui, en 1910, a été hors concours à la Société des Artistes Français.

Le dessin avait été conçu pour un tirage en bleu de France sur fond bleu. Malheureusement, l’épreuve a dû être faite autrement, et certains critiques d’art ont trouvé que le timbre, tel qu’il s’est alors présenté, donnait un aspect peu agréable, maigre et petit.

Auparavant, c’est ce même M. P. Dautel qui avait été chargé par l’État d’exécuter la médaille Ronsard du quatrième centenaire ; pour composer le dessin du timbre, il a continué à se servir des deux documents dont il s’était déjà aidé pour la médaille.

Le premier de ces documents est un buste en plâtre du musée de Blois, analogue au buste en pierre qui orne la tombe du poète à Comes, près de Tours ; l’auteur de ce buste est inconnu.

Le second, c’est la gravure de la tête laurée de Ronsard qui décore l’édition de 1552 des « Amours de Ronsard » ; l’auteur est également inconnu.

Le poinçon est dû à M. Antonin Delzers

Le timbre a été imprimé en feuilles de 150 timbres avec le millésime 4.

Sa valeur faciale de 75 centimes correspondait au tarif de la lettre pour l’étranger.

D’autres usages étaient possibles tel l’accusé de réception, les factures recommandées, les pneumatiques ordinaires, la surtaxe de poste restante payée par l’expéditeur etc.

Usages postaux principaux en France

  • lettre simple régime intérieur 3ème échelon ;
  • accusé de réception demandé lors de l’envoi recommandé ;
  • carte postale illustrée de plus de cinq mots recommandée ;
  • lettre simple pour l’étranger ;
  • pneumatique ordinaire de moins de 7 gr ;
  • papiers d’affaires ordinaires pour l’étranger jusqu’à 250 gr
Le timbre a été émis le 6 octobre 1924 et mis en vente jusqu’au 30 novembre 1924

À sa sortie, il ne reçut pas que de très bons commentaires :

Le journal « Le poilu provençal », dans son édition du 8 novembre 1924 en disait ceci :

 Le timbre Ronsard

L’avez-vous vu ? Il est horrible.

Bleu foncé, sur papier teinté bleu pâle.

Il ressemble aux timbres primes que donnent certaines maisons d’alimentation. Les traits du grand poète se détachent mal sur une lyre qui a toutes les allures d’une bannière d’orphéon.

Vraiment on eût pu faire mieux pour un timbre destiné à l’affranchissement pour l’étranger.

C’est un singulier exemple du goût et de l’art français !

Et Ronsard, s’il revenait, ne féliciterait pas ceux qui, pour l’honorer, ont choisi une mauvaise étiquette-réclame d’épicerie à bon marché.

N° 491 septembre-octobre 1924  page 191 :

Le timbre Ronsard sera mis en vente dans les bureaux de poste, du 6 octobre au 30 novembre 1924 inclus. Ce timbre a été dessiné par M. Dautel, qui s’est surtout attaché à symboliser dans Ronsard le fondateur de la Pléiade, le chantre de la Rose.’ La tète laurée du poète est encadrée par les deux branches d’une lyre, autour de laquelle ont été distribués « les principaux souvenirs qu’évoque le centenaire », ainsi que les indications de service indispensables.

Espérons que ce timbre sera moins laid que celui de .Pasteur !

N° de novembre-décembre (492)  page 225 :

Le timbre Ronsard, qui a paru (hélas ! à l’époque fixée, est d’un aspect absolument piteux et donnera à l’étranger une triste idée

de l’art en France : Sa lyre (puisque lyre il y a), qui entoure l’effigie, n’a rien de décoratif ; quant aux « principaux souvenirs évoquant

le centenaire »,. qui devaient figurer sur le timbre, nous les avons cherchés en vain.

Le timbre fut démonétisé à partir du 1 er janvier 1925

La circulaire n°2092 du 28 novembre 1924 évoque les conditions d’échange des timbres

Ronsard après la date de leur validité.

« ..Le retrait des timbres « Ronsard » sera effectué dans le courant du mois de décembre. Les

receveurs et facteurs-receveurs reprendront, à cet effet, les timbres qui seront en possession,

après le 30novembre, des préposés à la vente dans leur circonscription. …Par exception aux

règles qui précèdent :

1° La recette principale de la seine continuera à vendre des timbres « Ronsard »après le 30

novembre 1924 et jusqu’à au 31 janvier 1925 inclus, aux personnes qui en demanderont

expressément ; la date d’expiration de la validité de cette figrirne sera rappelée aux

acheteurs ;

2° Les timbres « Ronsard » qui seront encore entre les mains du public après le 31 décembre

1924, pourront être échangés, exceptionnellement, contre des figurines ordinaires, jusqu’au

31 janvier 1925, sous déduction d’une retenue de 1 p.100 pour les échanges dépassant 50

francs. Les timbres « Ronsard » ainsi échangés seront considérés comme figurines hors

d’usage. »

Curieusement, il a été utilisé au Grand Liban et en Syrie sans soute pour épuiser les stocks de

la Métropole.

Ces timbres furent à leur tour démonétisés à partir du 1er mars 1925 et échangés jusqu’au 30

avril 1925. (source : BULLETIN OFFICIEL DES ACTES ADMINISTRTIFS DU HAUT

COMMISSARAIT Beyrouth le 28 février 1925 : Arrêté N° 50 S DU 18 février 1925).

Deux autres pays ont honoré Ronsard par un timbre :